Cliquez sur l'image pour la fermer
Cliquez sur l'image pour la fermer


Campagne du Soldat Jean DENIZOU

140ème Régiment d'Infanterie

(Cliquez sur les photos pour les aggrandir)




Jean DENIZOU est appelé au service actif le 14 novembre 1904 et rejoint le 16ème Bataillon d'Artillerie à Pied.


Il est mis en disponibilité le 23 septembre 1905, un certificat de bonne conduite lui étant accordé.


Il fait deux périodes d'instruction, la première au sein du 10ème Bataillon d'Artillerie à Pied du 24 août au 20 septembre 1908, la seconde au sein du 10ème Régiment d'Artillerie à Pied du 17 mars au 2 avril 1912.


Il est rappelé le 1er août 1914 et rejoint le 140ème Régiment d'Infanterie le 3 août 1914.


La mobilisation générale met le régiment sur le pied de guerre, le 2 août 1914, à Grenoble. Le 1er bataillon, parti pour les Alpes, a été rappelé le 28 juillet.



Campagne des Vosges - août à septembre 1914.



Dès le 11, le régiment s'ébranlera dans la direction des cols. La journée du 9 s'est passée sans incident. Les nouvelles apportées sont excellentes; on annonce entre autres la prise de Mulhouse. Pendant la journée du 10, le régiment entend le canon, et trois jours après, il sera engagé pour la première fois au col des Bas-Genelles. La division a déjà pris contact avec l'ennemi, et à Plainfaing, les soldats du 140ème voient les premiers blessés, des hommes du 75èmew, qui redescendent du col du Bonhomme.

Dans la nuit du 12 au 13, les 2ème et 3ème bataillons se portent au col des Bas-Genelles et au petit jour ils passent la frontière. Le régiment a mis le pied en Alsace et dévale sur le versant est du col. Mais l'ennemi n'est pas loin. Dès que les premiers éléments du 2ème bataillon sortent des bois qui couvrent leur marche d'approche, un feu nourri les accueille. C'est le baptême du feu et les premières pertes du régiment. Les Allemands occupent le cabaret placé au sommet du col; des mitrailleuses le garnissent et le drapeau de la Croix-Rouge flotte sur le toit. Le 3ème bataillon est en réserve derrière le 2ème bataillon et tous deux restent sur place pendant la nuit.

La journée du 14 se passe sans incidents notables. L'artillerie de campagne allemande lance quelques obus de 77 qui font peu de mal; le 75 lui répond. Une pièce de 65 de montagne démolit le cabaret. Sous une pluie battante, les unités passent une seconde nuit sur la même position.

Le 15 au matin, l'attaque de la hauteur en face des Bas-Genelles est décidée. Dès 5 heures, nos canons tonnent; après deux heures de bombardement, le 75ème et le 52ème R. I. débouchent à droite du 140ème par le col de Bonhomme et tournent l'ennemi. Les 2ème et 3ème bataillons attaquent la position de face, enlèvent et progressent dans la direction de Pressoire.

Des tranchées très bien faites ont été établies par l'ennemi depuis une quinzaine de jours. Des baraquements ont déjà été construits et des réchauds à alcool traînent çà .et là. Une nouvelle nuit est passée sur place avec un temps plus mauvais encore.

Pendant la journée du 16, le 2ème bataillon tient la position conquise, tandis que le 3ème bataillon se rend à Golroy-la-Grande. L'ennemi ne dit plus mot; il semble avoir complètement disparu. Pendant ce temps, le 1er bataillon, dès le 13, a été engagé au col de Sainte-Marie-aux-Mines où il a passé la frontière, et jusqu'au 15, est resté sur ses emplacements.

Le 17 au matin, le régiment dévale dans la vallée de Sainte-Marie, et à 22 heures, les 1er et 3ème bataillons entrent dans Sainte-Marie. Le lendemain, vers 17 heures, le 2ème bataillon y fait son entrée musique en tête.

Le régiment tient solidement la vallée de Sainte-Marie-aux-Mines jusqu'à la hauteur de Sainte-Croix-aux-Mines, mais dans la nuit du 19 au 20 août, des ordres supérieurs l'appellent dans la région de Saales. Les 1er et 3ème bataillons disponibles, se mettent de suite en route. Le 20, à partir du milieu de la journée, commence la relève du 2ème bataillon par le 109ème R. I. T. Au moment de la relève, les Allemands attaquent; Sainte-Croix-aux-Mines est perdu; là 7ème compagnie fait face à l'ennemi et mène un dur combat en- retraite jusqu'à 5 heures du soir.

Les 1er et 3ème bataillons se rendent à Saulxures le 21 au matin; le jour même, ils enlèvent victorieusement la position de Fréconrupt (col de Salm).

Le 22, tout le régiment est échelonné sur la crête des Vosges. Le 1er bataillon tient les avant-postes à Hautes-Loges (le Kiosque). Le 3ème bataillon se replie dans la direction du col du Hanz laissant deux compagnies pour couvrir la route de Schirmeck au col du Hanz par le Sanatorium des « Quellen » et prend les avant-postes dans cette région. Quant au 2ème bataillon, après avoir gagné le col de Saales dans la nuit du 20 au 21, il effectue différents déplacements autour de Salm et de Bourg-Bruche et passe la journée du 22 sur la ligne de feu (Champ des Genêts et Klein-Allan). Le 24, le 1er bataillon passe à Petite-Raon et se rend le 25 à La Chapelle.

Au cours de ce mouvement, les 3ème et 4ème compagnies, après avoir fianchi successivement le Rabodeau, le torrent qe Ravines, la ligne des hauteurs le séparant de la vallée de la Plaine, avaient gagné La Trouche quand elles se heurtèrent à un ennemi bien supérieur en nombre. Elles durent exécuter à travers des bois touffus une retraite difficile en escaladant des pentes abruptes.

Le 24, le 2ème bataillon, après avoir passé par Bannay, Bruche et Saales, vient s'installer au plateau de Saulxures en position d'attente sous le bombardement. Les Allemands attaquent sérieusement. Le 25, le bataillon passe la journée à Moyenmoutier qu'il a rejoint par Chatas. Le soir même, il remonte sur la ligne de feu dans le bois du Feys entre Saint-Biaise et Moyenmoutier. De là, il aperçoit Raon-l'Étape qui est en feu.

Ce même jour, le 1er bataillon est chargé d'exécuter une reconnaissance offensive sur la scierie de Busegenoux et le hameau de La Trouche, mais, parvenu aux lisières de cette localité, il se heurte à un ennemi très supérieur en nombre et, le 25 au soir, il vient se retrancher sur la rive gauche du ruisseau de Ravines entre la scierie et Saint-Pragel.

Le 3ème bataillon, qui, le 24, a mené un combat d'arrière-garde du col du Hanz à La Chapelle, est venu s'établir sur les hauteurs au sud du Rabodeau. Des engagements sérieux ont lieu le 25 autour de l'usine à gaz de Moyenmoutier.

Le 26, l'ennemi produit un gros effort. Le 2ème bataillon, qui est venu s'établir pendant la nuit à 50 mètres de l'ennemi, commence, dès l'aube, la fusillade à bout portant. Les pertes sont sérieuses. Les 10ème et 12ème compagnies continuent à tenir les avant-postes sur la route de Moyenmoutier à Senones; les autres compagnies se replient sur Saint-Michel-sur-Meurthe.

Le 27, le régiment tout entier reçoit l'ordre de se replier d'abord derrière le Rabodeau, puis derrière la Meurthe. Le 2ème bataillon, qui a reçu l'ordre de retraite le 26 au soir, arrive le lendemain matin à Saint-Michel-sur-Meurthe, après avoir mené de durs combats aux abords de l'usine à gaz le Moyenmoutier.

Attaqué de trois côtés, ouest, nord et est, le régiment parvient à se frayer un passage et gagne Saint-Michel-sur-Meurthe, à l'exception des 10ème et 12ème compagnies qui, cernées dans le Paire, doivent capituler le 30, après avoir vainement cherché à percer les lignes.

Les 27 et 28 août, le régiment essaie de se réorganiser tout en combattant autour de Saint-Michel-sur-Meurthe et de Bréhimont. Il est en liaison vers Herbaville avec la 28ème D. 1., engagée vers Saint- Dié. Le 29, vers 9 heures du matin, le régiment est attaqué par cinq régiments appuyés par une puissante artillerie. Après trois heures de luttes acharnées, il doit se replier, l'ennemi le serrant de près. Saint-Michel, tête de pont sur la Meurthe, constitue une position particulièrement importante, disputée âprement depuis deux jours; sous la pression croissante de l'ennemi, nos troupes doivent évacuer cette localité, mais notre commandement, afin de ralentir l'avance des ennemis, décide de défendre le passage de la Meurthe. Pour couvrir la retraite, la 2ème compagnie est chargée de défendre le pont de Saint-Michel.

Dix jours plus tard, nos troupes, à la poursuite de l'ennemi, repassaient le pont de Saint-Michel-sur-Meurthe. Pendant que se déroulent les péripéties de cette lutte dramatique, les 6ème et 8ème compagnies, cernées dans Bréhimont, y étaient détruites ou faites prisonnières. La 7ème compagnie, pour les dégager, reçoit l'ordre de marcher sur Bréhimont par Sanceray; un détachement de renfort se joint à elle et tout le groupe tombe sous le feu de l'ennemi dans la plaine de Nompatelize; elle subit de lourdes pertes et se replie le soir sur la Croix Idoux par La Burgonce. 80 hommes restent sur 250. La 5e compagnie s'établit le 29 au soir autour du Haut-Jacques.

Le 30, les débris du régiment s'organisent autour de la Croix Idoux, aux abords de Sauceray des Baraques, dans les bois des Hauts-Champs et de la Madeleine.

Du 1er au 10 septembre, une série de combats acharnés vont se livrer pour la possession de la Croix Idoux. Pendant la journée du 1er, le 99ème couvre le 140ème, qui reçoit des renforts et souffle un peu. Le 2 se passe en quelques escarmouches du fait de l'activité des patrouilles ennemies. Vers 8 heures, la 9ème compagnie surprend une reconnaissance d'une quarantaine d'hommes commandée par un officier. Le lieutenant et un homme sont faits prisonniers, les autres sont tués. Vers 10 heures, elle a des escarmouches avec l'avant-garde d'un bataillon ennemi.

Les troupes sont prévenues qu'elles vont être attaquées sérieusement et qu'il faudra tenir à tout prix. Le 3, l'attaque allemande, puissante, se déclenche; les nôtres tiennent bon et conservent leurs positions; sept attaques allemandes sont repoussées sur le front des 2ème et 3ème bataillons, où l'on arrive jusqu'au corps à corps. Au cours de cette journée, 7 officiers sont tués. Une compagnie, la 9ème, perd les trois quarts de son effectif (tués ou blessés). Dans la journée du 5, l'ennemi a le dessus; la Croix Idoux, perdue dans cette journée, est rèprise le 6, reperdue le 7 et enfin reconquise le 10.

Le 7 septembre, vers 8 heures, la position de la Croix Idowx étant tombée aux mains de l'ennemi, des soldats sont cernés et faits prisonniers.

Les contre-attaques exécutées dans la journée du 8 par le Haut-Jacques sont meurtrières et ne donnent aucun résultat positif. Cette même journée, le 1er bataillon se regroupe à Rouges-Eaux; le 2ème bataillon, relevé le 9, se rend à Maillefaing. Quant au 3ème bataillon, il continue à tenir tète à l'ennemi jusqu'au 10 autour du Haut-Jacques et de la Croix Idoux.

Ce jour-là, l'ennemi se replie. Lancé à sa poursuite, le régiment est dirigé sur Moyenmoutier, qu'il atteint vers midi. Dans la soirée, le 2ème bataillon est chargé d'attaquer Senones qu'il trouve inoccupé. Le 11, les 1er et 2ème bataillons viennent cantonner à La Burgonce. Dans la nuit du 12 au 13, le régiment est à Dcnipaire.

Rappelé plus à l'ouest, il gagne la région de Rambervillers, Le 1er bataillon, poussé en avant, atteint les lisières de Blâmont au cours d'une reconnaissance.



La course à la mer.



Le régiment a été relevé par une division de réserve et, devenu disponible, s'en va embarquer à Thaon-les-Vosges dans la journée du 19. Le 21, il débarque à Estrées-Saint-Denis. De là, le régiment va gagner le Santerre.

Après deux jours de repos, le régiment est appelé à prendre part à la course à la mer. Le 22 septembre, tout le régiment est à Rollot. Le 24, le 1er bataillon gagne Rosières et se dirige sur Lihons, le 2ème bataillon atteint Hiencourt-le-Grand. Le 3ème bataillon, parti de Rosièrse, pousse au nord de Chaulnes jusqu'à Vermandovillers. Le régiment a pris contact avec l'ennemi.

Le 25 septembre, au matin, le régiment est pris comme dans un étau entre le IIème corps d'armée bavarois et le XXIème C. A. prussien. Le 3ème bataillon, après avoir combattu en avant de Vermandovillers, est contraint de battre en retraite vers la route de Lihons-Chaulnes et arrive au château de Chaulnes, vers 18 heures. Après avoir passé la nuit sur place, le bataillon est surpris vers 3 heures du matin et contraint de se replier vers la gare; aux abords de celle-ci s'engagent de sanglants cpmbats à l'issue desquels le bataillon bat en retraite, le long de la voie ferrée jusqu'à Lihons. Le 2ème bataillon, qui a poussé au delà de Chaulnes jusqu'à Hiencourt et Puisieux, pressé fortement par l'ennemi, est contraint, lui aussi, de se replier sur Lihons et subit, au cours de ce repli, de lourdes pertes.

Ce qui reste du régiment, le 25 au soir, est regroupé autour de Lihons. Le 3ème bataillon est dissous et ce qui reste de ses compagnies sert à renforcer les compagnies du 2ème bataillon dont certaines, comme la 6ème, ont presque entièrement fondu.

Le régiment va défendre âprement le terrain dont il n'ècédera pas un seul pouce en dépit dès efforts répétés des Ailemands. Lihons constitue une position avancée et a pour l'ennemi le grave inconvénient de rendre inutilisable l'important noeud de voies ferrées de la gare de Chaulnes; aussi ne néglige-t-il aucun effort pour s'en emparer.

Pendant la dernière semaine de septembre et la première quinzaine d' octobre bombardements violents et attaques d'infanterie se succèdent sans interruption. Bfforts inutiles, Lihons reste inviolable.



L'affaire du Quesnoy-en-Santerre.



Le 22, le régiment est relevé et s'en va au repos à Rosières où il reste jusqu'au 29. L'ennemi tente de rompre notre front plus au sud ; aussi, dès le 29, les 1er et 3ème bataillons sont engagés à l'est de Bouchoir pour enlever le saillant ouest du Quesnoy-en-Santerre. Ces deux bataillons progressent de 700 à 800 mètrès et sont arrêtés à la tombée de la nuit à 400 ou 500 mètres de la lisière du village.

L'attaque est reprise le 30, le 2ème bataillon venant appuyer le mouvement des deux autres. Le régiment tout entier prend une part prépondérante à l'enlèvement de cette position redoutable, mettant définitivement fin à l'avance ennemie que les Allemands appelaient déjà la « Percée de Roye ».

Au cours des contre-attaques menées avec fureur par l'ennemi, dans la journée du 1er novembre, une poche se fit un instant dans notre front. L'ennemi chercha aussitôt à l'exploiter et à déboucher du saillant est du Quesnoy.



L'occupation du secteur de Lihons.



L'attaque terminée, le régiment revient occuper le secteur de Lihons après avoir cantonné à Beaufort et Rosières. Le 7, il monte en ligne et tiendra ce secteur jusqu'au 28 mai 1915. Les différentes unités du régiment occupent successivement les différentes parties du secteur en avant de Lihons et d' Herleville avec des alternatives de repos à Rosières, Caix et Bayonvillers.

Les Allemands conservent en face de nos lignes la cote 101 qui domine Lihons et leur sert d'observatoire. Une attaque brillamment menée par la 1ère compagnie nous la donne, le 18 décembre. L'ennemi, qui tient à la conserver, réussit à la reprendre, le 24 décembre, mais le lendemain, une contre-attaque vivement conduite par la 3ème compagnie nous la rend à nouveau.

Des rencontres de patrouilles se produisent parfois; des coups de main sont tentés de part et d'autre; des pertes peu élevées dans l'ensemble se produisent de temps à autre.

Dans la nuit du 23 au 24 mai, un parti ennemi pénètre dans nos lignes, à la cote 101 assez faiblement occupée.



L'affaire d'Hébuterne.



Le régiment continue à défendre âprement Lihons jusqu'au 27 mai 1915, jour où il embarque, en camions, à destination de l'Artois. Le 1er bataillon débarque dans la nuit, à Louvencourt et reste au repos jusqu'au 6 juin. Les deux autres bataillons cantonnent à Lealvillers et Harponville.

Du 8 au 15 juin, se déroulent les combats d'Hébuterne. A partir du 6, les différents bataillons viennent s'installer dans les places d'armes qui leur sont assignées. Dans la nuit du 7 au 8, les 11ème compagnie et 12ème compagnie sont engagées et réussissent à porter les lignes jusqu'à la route d'Hébuterne à Serre; le 8, le 1er bataillon fait un bond en avant et s'installe en face de Serre; la lère compagnie est très éprouvée; la 3ème compagnie est engagée devant la ferme Toutvent.

Dans la nuit du 10 au 11 juin, la 9ème compagnie et la 10ème compagnie sont chargées d'attaquer l'ennemi, pour lui enlever les défenses qu'il maintient à l'est de la route de Serre à Hébuterne et d'établir des postes au delà de cette route. L'opération, vivement menée, réussit pleinement.

Le 2ème bataillon passe la journée du 7 à Colincamps; le 8, il est en réserve dans des places d'armes; les 5ème et 7ème compagnies sont engagées en avant d'Hébuterne et, alors qu'elles sont en réserve dans un petit bois, subissent un violent bombardement qui leur occasionne des pertes sérieuses.

Après avoir été relevées elles se regroupent dans des places d'armes et montent en première ligne où elles passent les quatre derniers jours.

Le 7 juin, au matin, deux sections occupent les tranchées, près de Colincamps, pendant que les deux autres se portent avec le 1er bataillon vers les premières lignes. Au cours du bombardement du 7 juin, la lère section est complètement détruite (9 tués, 8 blessés).

Du 8 au 16, toute la compagnie est en ligne. Pendant cette période, le régiment subit des bombardements répétés et violents qui causent de fortes pertes, le terrain ne comportant presque pas d'organisation et pas du tout d'abris.

Le 3ème bataillon redescend, le 14 juin, à Gouin, le 2ème bataillon vient l'y rejoindre le 16; le 1er se rend à Coigneux, le 17. A partir du 14 juin, le régiment est relevé. L'attaque d'Hébuterne est finie et le régiment va regagner les emplacements qu'il a quittés trois semaines auparavant.

Dès le 18, le régiment fait mouvement par T. M., puis à pied, pour venir à Mézières où, le 30 juin, tout le régiment se trouve rassemblé. Du 7 au 30 juillet, le régiment occupe à nouveau son ancien secteur. Le séjour en ligne est interrompu par une semaine de repos du 15 au 22, à Hangest-en-Santerre.



L'attaque de Champagne.



En fin juillet, tout le régiment est relevé et fait mouvement, à partir du 6 août, pour venir dans la région de Champagne. Il se trouve en pleine Pouilleuse, à proximité de la limite nord du camp de Châlons.

Du 15 au 27 août, le régiment est en secteur à l'est de Perthes-les-Hurlus. Un bataillon est en première ligne, un autre en soutien, en avant de la Maison forestière, et le dernier en réserve à Cabanes-et-Puits. Tous les quatre jours, il y a relève entre les bataillons.

A partir de ce moment, le régiment participe aux travaux préparatoires de la puissante attaque projetée. De jour et de nuit, suivant un roulement établi entre les unités, avec le maximum de moyens et d'efforts, on va travailler au creusement de boyaux de plusieurs kilomètres de longueur, à l'établissement des parallèles de départ, à la construction des abris et des places d'armes. Les travailleurs bivouaquent à Cabanes-et-Puits, à la cote 221 ou aux baraquements de Somme-Suippes.

Pendant la nuit qui précède l'attaque, le régiment s'installe dans les places d'armes préparées près du village de Perthes. Le 3ème bataillon qui est en réserve de secteur depuis la veille, occupe ses places d'armes à 2 heures.

Le 1er bataillon, la compagnie M. R., la C. H. R. quittent le bivouac à l'est de Somme-Suippes à 11 heures et, prenant au passage, à Cabanes-et-Puits, le 2ème bataillon, vont occuper entre 5 heures et 6 heures, leurs places d'armes respectives.

Le 25 à 9h 15, la réserve de division quitte ses-places d'armes et s'engage dans les boyaux conduisant à la première ligne. A 9h 30, les têtes de colonne débouchent de la parallèle de départ derrière le 75ème et le 1er bataillon du 140ème.

Au pas de course, les unités franchissent les deux premières lignes des tranchées ennemies et se forment sur la même ligne, le 2ème bataillon à droite, le 3ème bataillon à gauche. Ils sont tous deux en colonne double ouverte; 200 pas séparent les bataillons, 150 les compagnies; celles-ci sont en ligne de section par deux à 100 pas. Une section de mitrailleuses marche avec chaque bataillon, entre les compagnies de tête des colonnes. Une section est en réserve entre les deux bataillons à hauteur des compagnies de queue.

Malgré les tirs de barrage qui les accueillent dès le départ des places d'armes, les deux bataillons progressent vers leur objectif. Quelque difficulté se présente au début dans le maintie de la direction, les unités tendant à obliquer vers la droite dans le sillage de la réserve de brigade. Elles sont ramenées vers la gauche, à hauteur de la troisième ligne ennemie, et à partir de la tranchée d'York la direction est conservée. Les effets du tir de barrage se font particulièrement sentir à hauteur des bois 6 et 7, du bois 8 de la tranchée de Schaffhouse, des bois du Paon et des Perdreaux et sur la route de Tahure.

Au passage du ravin longé par cette route, l'attaque est accueillie par des feux d'infanterie partant de la gauche (Trou Bricot). Les troupes de première ligne ont perdu, pendant leur progression rapide sous le feu, la régularité de leurs formations; certains vides se sont creusés que remplit la réserve de D. I. Tout en progressant, certaines positions encore occupées par l'ennemi sont nettoyées (batteries, emplacements de mitrailleuses).

Les unités de tête des bataillons de la réserve accélèrent l'allure, rejoignent les troupes de première ligne à hauteur de la route de Souain à Tahure et progressent avec elles. Les éléments de queue, sections de pionniers du génie, de canons de 58, arrêtés dans les boyaux encombrés, en particulier par des prisonniers ramenés vers l'arrière, n'ont suivi qu'à grande distance la marche des deux bataillons qu'ils rejoindront tardivement sur la position 193.

Les tranchées, batteries et emplacements de mitrailleuses échelonnés sur le parcours, ont été franchis et nettoyés. Les batteries ennemies ont tiré jusqu'au dernier moment; en plusieurs points, les artilleurs se sont fait tuer sur les pièces qu'ils servaient.

La crête 193 (l'objectif à atteindre), est abordée vers 10h50. Les drapeaux du 52ème et du 140ème y sont plantés en face de la tranchée ennemie. Cette tranchée, précédée d'un réseau intact de fil de fer barbelé, est occupée par des fantassins ennemis qui agitent les bras comme s'ils voulaient se rendre à l'arrivée de notre première ligne sur la crête.

Des compagnies du 52ème et de la réserve de division vont s'y précipiter lorsqu'elles sont prises d'enfilade et à revers par des canons ennemis tirant de la région du trou Bricot et de flanc par un feu violent de mitrailleuses sur la gauche complètement découverte.

Un léger mouvement de repli se produit à l'extrémité de la ligne que rien ne prolonge à l'est du point 193. Les lignes se reforment et se portent au delà de la crête. Les fils de fer qui précèdent les tranchées ennemies sont intacts; la crête 193 est balayée par les mitrailleuses et l'artillerie. Vers la droite, le tir trop court d'une de nos batteries de 75 empêche la progression dans le ravin, à l'ouest du bois 151. L'élan de l'attaque est enrayé.

Pendant ce temps, l'artillerie ennemie, qui depuis 13 heures ne manifestait qu'une très médiocre activité, ouvre, des hauteurs de la butte de Tahure, un tir de barrage violent qui enfile la cote 193 et gêne considérablement la réorganisation des unités, toujours soumises au tir de plus en plus nourri de mitrailleuses situées à gauche dans les bois au nord du trou Bricot, en avant de la lisière sud des bois 28 et 29.

Enfin, l'appui de notre artillerie fait défaut; elle tire sur des objectifs éloignés et reste sans action sur les défenses immédiates des tranchées 193.

En résumé, pendant la journée du 25, le régiment s'est rassemblé dans les places d'armes, a passé à l'offensive, s'est installé sur les crêtes de la cote 193; mais son offensive s'est arrêtée devant des lignes organisées et intactes. Pendant la nuit, il consolide les gains acquis et prépare la reprise de l'attaque.

La préparation d'artillerie commence dans la matinée. Les éléments du 52ème et du 140ème qui occupent la crête, à l'est de 193, doivent enlever la portion de tranchées qui leur fait face. A 10h 30, BOUS un tir de barrage d'une violence extrême effectué par des pièces d'artillerie lourde à obus fusants et percutants, les troupes d'attaque s'élancent de leurs tranchées. Mais l'artillerie a laissé intacts, les réseaux de fil de fer barbelé qui précèdent les tranchées. En outre, surtout dans la partie est, la ligne ennemie est oblique par rapport au front de départ et la crête 200, objectif final de l'offensive, apparaît en dehors et à droite de la ligne des défenses accessoires.

Les fractions de tête du 2ème bataillon du 140ème atteignent la tranchée qui traverse, à 200 mètres est de 201, la route de Tahure—Somme-Py et y pénètrent. Le bataillon du 416ème, marchant droit au nord, gravit les pentes et vient donner sur la tranchée de la Vistule, à l'est du point où elle atteint la route de Tahure à Somme-Py.

En résumé, pendant la journée, la 27ème D. I. a repris, sans succès, son offensive sur les tranchées 193, 201 de la Vistule.

Pendant la nuit, les troupes s'organisent sur leurs positions, creusent des tranchées et se reconstituent en partie, autant que le permettent l'obscurité et la situation, au contact immédiat de l'ennemi dont les mitrailleuses battent les parties non défilées du terrain conquis.

L'attaque, après beaucoup de tâtonnements, est reprise dans la journée du 27. Il faut attaquer les tranchées de la Vistule. La préparation d'artillerie commence à 10 heures et l'attaque doit avoir lieu à 14 heures. A 13h 50, l'ordre de ne l'exécuter qu'à 16 heures est donné. C'est à grand'peine que cet ordre peut être communiqué en temps utile aux troupes de l'attaque.

A 16 heures, l'attaque se déclenche. Le 2ème bataillon du 140ème marche sur 201, suivi immédiatement par le 122ème. Un tir de barrage d'une extrême violence, effectué par de l'artillerie lourde avec obus à gaz lacrymogènes, s'abat sur les troupes d'assaut et les réserves. Le premier élan est arrêté, mais l'assaut est repris presque aussitôt. Le 2ème bataillon atteint et occupe la tranchée ennemie qui relie le bois 30 au point 947, en travers de la route de Tahure à Somme-Py. La 61ème brigade, de son côté, a progressé sur les pentes, mais sans atteindre les tranchées de la Vistule dont nous n'occupons le soir que des fractions.

Sur tout ce front, la préparation d'artillerie a été insuffisante. Les réseaux de fils de fer sont intacts. C'est en vain que les hommes s'efforcent de les couper, rampant jusqu'aux réseaux derrière des sacs à terre qu'ils poussent devant eux. Le tir des mitrailleuses et des fusils bien installés dans des tranchées à contre-pente et les organes de flanquement arrêtent leur progression.

La nuit vient. Les pertes en tués et blessés sont élevées. En résumé, la 27ème D. I. et la 31ème D. I. ont attaqué sans succès sur les positions cote 193-la Vistule.

Deux contre-attaques se produisent pendant la nuit, l'une sur le front des tranchées 193 vers 20h 30, l'autre sur le front est de la tranchée de la Vistule vers 21 heures. Elles sont enrayées par le feu de l'artillerie et des mitrailleuses.

La nuit est employée au renforcement de la ligne. La fusillade est incessante du côté allemand ainsi que le jet de bombes et de grenades sur les parties de tranchées conquises vers 947. A plusieurs reprises, l'ennemi bombarde les pentes de 201 avec de l'artillerie lourde.

Le 28 septembre l'ordre est donné de consacrer la journée à l'organisation défensive de la position et à la réorganisation des unités. L'ennemi déclanche en certains endroits des contre-attaques violentes.

Les unités, bien que fatiguées par trois jours de luttes, creusent la terre avec une ardeur sans cesse renouvelée et au jour, une ligne de tranchée solide est établie.



La relève.



Dans la nuit du 28 au 29, la 27e D. I. est relevée. Le 44ème colonial relève le 140ème sur le front route Somme-Py—Tahure—méridien 34. A 7 heures, le régiment est rassemblé à la cote 204, à l'est de la route de Somme-Suippes à Perthes et à llh 30, il va bivouaquer à Cabane-et-Puits. Le 4 octobre, le régiment vient cantonner à Saint-Julien-Gourtisols et se rend à Francheville dans la journée du 5. Il jouit là jusqu'au 15 de quelques jours de repos bien gagnés.



Le repos dans la région de Belfort.



Le 15 octobre au soir, le régiment embarque à Châlons-sur-Marne, à destination de Belfort où il débarque à partir du 16 au soir. Il se rend à Auxelles-Bas et Auxelles-Haut. Le régiment est de nouveau au pied des Vosges, mais plus au sud qu'en 1914.


Le séjour à Auxelles :

Jusqu'au 19 décembre, le régiment va profiter d'un long repos réparateur et après les dures journées de Champagne. Pendant ce long séjour, les unités sont reconstituées, l'instruction est reprise et le régiment effectue quelques marches militaires dans cette région des Vosges (ballon d'Alsace, Plancher-des-Belles-Filles).

Le 28 novembre, la 4ème compagnie a été envoyée comme compagnie d'instruction à Plancher-Bas où a été organisé un centre d'instruction.


Le séjour au camp d'Arches :

Du 19 au 23 décembre, le régiment effectue une série d'étapes qui l'amènent à proximité de la frontière suisse. Le régiment est tout entier, le 24 décembre, aux environs du camp d'Arches; jusqu'au 10 janvier 1915 il va y recevoir une instruction intensive et exécuter beaucoup de manœuvres d'entraînement.

Le 6 janvier, une nouvelle compagnie de mitrailleuses est constituée au Roulier.



Le séjour en Alsace.



Le 11 janvier, tout le régiment embarque en T. M. et, après avoir franchi le col de Bussang, traversé la vallée de Saint-Amarin, les bataillons débarquent à Thann et dans les environs.

L'occupation du secteur :

Le régiment monte presque de suite en secteur en avant de Vieux-Thann et sur le flanc de la cote 425. Le secteur est très calme. Le 11 février, le régiment est relevé.


Le séjour à la frontière suisse :

Le régiment se rend par étapes à Montbéliard et ses environs où il bénéficie de cinq jours de repos. Il fait partie des troupes de couverture de la frontière suisse. Il est occupé à organiser défensivement cette frontière quand l'attaque ennemie sur Verdun le rappelle dans un secteur brûlant.



La bataille de Verdun.



Le 26 février, le régiment est alerté, embarque à Beaucourt le 29 et débarque à Nançois-Tron-ville et Ligny le lendemain. Le régiment est en plein Barrois; cette contrée est un plateau qui étale entre la Meuse et la plaine de Champagne un ensemble de hauteurs atteignant 400 mètres.

Les 1er et 2 mars, le régiment est en cantonnement d'alerte; le 3, il se porte à Levoncourt où il passe la journée du 4. Le 3ème bataillon rejoint le régiment à Levoncourt, après avoir fait étape par Silmont où il a cantonné deux jours.

Après une nouvelle journée de repos, le régiment vient à Courouvre. Il a quitté le Barrois pour le Verdunois, semblable d'aspect. Le régiment passe quelques jours dans l'attente. Le 9 mars, il fait mouvement sur Longchamps où il embarque en T. M. Après quelques heures de voyage, il débarque au sud-ouest de Verdun à proximité du fort de Regret et s'achemine, dans la nuit du 9 au 10, sur Haudainville, par la Porte-Neuve et les casernes de Belleray.

A 9 heures, tout le régiment est alerté. Par le fort de Belrupt et les casernes Chevert, il s'avance vers le plateau de Fleury. Le mouvement coïncide avec une attaque allemande dont les tirs de barrage gênent considérablement la progression des unités. Le régiment remplace le 234ème qui était en réserve dans le bois à proximité du carrefour du Tillat.

Dans la nuit du 10 au 11, il monte relever en ligne le 109ème R. 1. Le 1er bataillon en réserve prend position à la voie ferrée Vaux-Fleury. Les 2ème et 3ème bataillons vont relever en première ligne au ravin et au bois de la Caillette, près du fort de Douaumont. Le départ de la forêt du Tillat commence à 18 heures, mais il subit un temps d'arrêt marqué au nord du carrefour de Bellevue, en raison des violents tirs de barrage ennemis sur la région de Fleury-fort de Souville-tunnel et fort de Tavannes.

Dans le nouveau secteur, où vient d'arriver le régiment, la bataille fait rage, aussi les tranchées sont à peu près inexistantes. La 5ème compagnie approfondit et organise sa tranchée de première ligne, établit un réseau de fils de fer barbelés, creuse un boyau pour relier sa tranchée à la redoute, installe un petit poste avancé dans des maisons ruinées à gauche de la route de la Caillette, creuse deux boyaux qui relient la tranchée de première ligne au P. C. du bataillon et opère la jonction de sa ligne avec celle de la 7ème compagnie.

La 6ème compagnie établit une tranchée de première ligne en terrain découvert en avant du bois de la Caillette, pour se raccorder à gauche à la redoute, à droite à une ligne allant à l'étang de Vaux.

Le 1er bataillon, en réserve à la voie ferrée, est soumis à l'incessants bombardements par obus de gros calibre. Les différentes compagnies font chaque soir des corvées de ravitaillement en matériel et en munitions, travail dangereux et pénible en raison du terrain bouleversé et des tirs de barrage que l'ennemi semble déclencher à plaisir.

Les 1er et 3ème bataillons se relèvent entre eux.


L'attaque allemande :

Jusqu'au 17, l'artillerie ennemie manifeste une activité moyenne, s'adressant surtout aux voies de communication, routes, pistes d'artillerie, carrefours. Le régiment est depuis une semaine en ligne et son secteur est organisé. Il existe une première ligne de tranchées continue, protégée presque partout par des défenses accessoires : abatis, réseaux de fils de fer. Les communications vers l'arrière sont amorcées et activement poussées.

Le 17 mars, dans l'après-midi, l'artillerie allemande fait de nombreux réglages et bombarde violemment nos positions de réserve et de deuxième ligne.

A 6 heures du matin, un bombardement effroyable se délenche sur nos positions. L'artillerie de tranchée écrase nos premières lignes sous un déluge de torpilles tandis que les obus de gros calibre nivellent la deuxième position et effondrent les uns après les autres les quelques abris qui subsistent encore. Cette préparation d'artillerie redouble vers 9 heures. A 12h 30, l'infanterie ennemie sort en vagues puissantes précédées de lance-flammes.

L'attaque est arrêtée net devant le front de la lère compagnie; le mouvement ennemi s'accuse à sa gauche, dans le secteur de la 2ème compagnie à laquelle elle envoie une section de renfort. La 10ème compagnie vient également la renforcer, mais elle n'aura pas à intervenir.

Devant le 2ème bataillon, la ligne est intégralement maintenue devant les 5ème, 6ème et 8ème compagnies.

Devant la 7ème compagnie, un groupe de combat que l'ennemi était parvenu à occuper est vivement repris par une contreattaque. La 9ème compagnie qui était en réserve a été envoyée en renfort à la 7ème compagnie ; les deux compagnies du 3ème bataillon qui restent disponibles sont occupées au transport des munitions.

En définitive, l'attaque allemande échoue lamentablement. Quelques hommes seulement ont disparu; le régiment, malgré un bombardement effrayant, n'a pas plus bronché sous les obus que devant les attaques de l'infanterie ennemie. Tout le sol confié à sa garde a été intégralement maintenu. L'ennemi a laissé entre nos mains quelques prisonniers. Quantité des siens sont tombés en avant de nos lignes. Des blessés en grand nombre gémissent sur le champ de bataille.



Le repos à Haudainville.



Dans la nuit du 20 au 21, le régiment est relevé par le 226ème R. I., et va prendre quelques jours de repos bien gagné à Haudainville. A partir du 30, le régiment monte dans le secteur d'Eix-Decourt, qu'il va organiser malgré un intense bombardement, pendant une quinzaine de jours.

Le 1er bataillon a une compagnie en ligne et trois en réserve. Le 2ème bataillon occupe la Ferme Bourvaux, les redoutes de La Lauffée et du Mardi-Gras, la fontaine de Tavannes, le poste des Chasseurs et la redoute d'Eix. Le 3ème bataillon tient le secteur de la Fiéveterie et les tranchées en avant d'Eix.

Le secteur est assez agité, mais paraît fort calme en comparaison des précédents, et les pertes y sont relativement faibles.



Le repos dans la zone de la Vallée.



Le 60ème R. I. relève le 140ème du 13 au 15 avril. Les différents bataillons embarquent en T. M. à la Queue-de-Mala, débarquent à Érize-Saint-Dizier et vont cantonner dans les environs de La Vallée où, jusqu'au 28, le régiment se repose et se réorganise.


le deuxième séjour à Eix.

Le 28, tout le régiment embarque en T. M. et débarque à Lemmes, d'où il fait étape pour aller en cantonnement d'alerte à Belrupt, en réserve de division. Le régiment passe quelques jours dans l'attente et reçoit de nouveaux renforts. A partir du 6 mai, les différents bataillons remontent dans le secteur d'Eix qu'ils occupent pendant une courte période de quatre jours.


La descente à Haudainville.

Dans la nuit du 13 au 14 mai, tout le régiment est relevé et descend à Haudainville. Le 14 mai, dans l'après-midi, le 2ème bataillon reçoit un ordre de relève pour le fort de Vaux. A 17h 30, le bataillon se met en route et vient s'établir aux abords immédiats du fort, qui est encore dans nos lignes.

L'infanterie allemande ne prononce aucune attaque, mais un bombardement terrible commence dès la pointe du jour et s'arrête fort tard dans la nuit. Les organisations sont bouleversées chaque jour et tout élément de tranchée construit pendant les quelques heures de la nuit, qui est fort courte à cette époque de l'année, est impitoyablement aplani le lendemain.

Pendant ce temps, le 1er bataillon, après un jour de repos seulement à Haudainville, est alerté et envoyé pendant cinq jours en réserve au fort de Tavannes, période pendant laquelle il est employé au ravitaillement des unités de première ligne dans le secteur du fort de Vaux. La C. M. 1 a été détachée de son bataillon et envoyée le 15 au fort de Vaux, de la garnison duquel elle fait partie. Elle redescendra le 20 au matin et viendra cantonner dans les péniches d'Haudainville, après avoir été relevée.

Le 3ème bataillon est mis le 15 au soir à la disposition du commandant du fort de Vaux.

Le 20 mai, tout le régiment se donne rendez-vous à Haudainville et cantonne dans les péniches pendant quelques jours.

Engagement du régiment dans la région de Souville.

Le 24 mai, nouvelle alerte à 11 heures. Vers 18 heures, le régiment reçoit l'ordre de se porter à Verdun, où, dit-on, il doit cantonner aux casernes Sainte-Catherine. Mais un nouvel ordre envoie les bataillons vers le fort de Souville, où un autre ordre envoie le 1er bataillon relever à la Caillette et le 3ème bataillon à la Ferme des Hospices. Le 1er bataillon prend la place du 274ème R. 1. et le mouvement de relève au bois de la Caillette s'effectue en plein jour à 70 mètres de l'ennemi. Le 27 au soir, il passe en réserve et s'installe au bois des Essarts (sud du fort de Souville). Dans la nuit du 28 au 29, il regagne Haudainville.

Dans la matinée du 29, le 2ème bataillon se porte en réserve au village de Fleury dans les ruines duquel il passe la journée du 29 et celle du 30. Ce jour-là, vers 18 heures, il reçoit l'ordre de se porter en renfort à la redoute de Fleury. Ce mouvement s'effectue en plein jour aux vues de l'ennemi, le long du ravin du chemin de fer. En dépit d'un tir violent d'artillerie et d'un feu de flanc assez lointain de mitrailleuses, le bataillon est assez heureux pour atteindre la redoute presque sans pertes.

Il s'y établit en position d'attente, mais avant que la nuit se passe, vers 2 heures du matin, il reçoit l'ordre de redescendre à Fleury. Après y avoir passé la journée, il descend le soir à Haudainville.

Le 3ème bataillon, après avoir reçu l'ordre de se rendre au Faubourg Pavé (Verdun), est dirigé sur le fort de Souville comme tout le régiment, et de là vers la redoute de Fleury. En traversant le village de Fleury, il subit un violent bombardement par obus de tous calibres. A peine arrivé à la redoute, un nouvel ordre l'envoie au Cabaret Rouge, où il passe une partie de la journée du 25. Il en repart à 14 heures pour retourner au fort de Souville, où il passe la nuit.

Le 26 au matin, il va en réserve au bois des Essarts au nord de la voie ferrée Verdun-Etain, à 400 mètres de la sortie ouest du tunnel. Dans la nuit du 27 au 28, il relève en première ligne des unités du 218ème près de la redoute de Douaumont. Le bombardement est toujours aussi violent et des compagnies ont à souffrir du feu de nos 75, qui tirent trop court. Après quatre jours de secteur, le bataillon est relevé et se rassemble le 31 mai à Haudainville.


Le repos dans la zone de la Vallée.

Le régiment, entièrement regroupé à Haudainville dans les derniers jours de mai, embarque de nouveau en T. M. pour aller au repos. Pendant trois semaines, le régiment va goûter un repos réparateur. Il reçoit des renforts très importants, réorganise ses unités, recommence l'instruction sur de nouvelles bases : les compagnies s'entraînent à l'emploi du fusil mitrailleur.

Le secteur des Hures.

Le 26 juin, la période de repos est terminée et le régiment fait mouvement pour se rendre à Somme-Dieue.

Après deux jours de repos, le 29 juin, le régiment relève le 85ème R. I. en ligne au pied des Hauts de Meuse. Le 2ème bataillon défend Bonzée-en- Woëvre, le 1er est en ligne devant Trésaux et le 3ème bataillon occupe la côte des Hures, éperon détaché des Côtes de Meuse.

Le secteur est très calme, l'artillerie ennemie peu active; les lignes séparées par un intervalle de 1 à 2 kilomètres, dans lequel circulent de nombreuses patrouilles, même en plein jour. Le secteur est assez bien organisé et, sous la protection des avant-postes, les éléments disponibles travaillent à l'entretenir et à l'améliorer.


Le court repos à Somme-Dieu.

Après un mois de séjour en ligne, le régiment est relevé et descend à Somme-Dieue où, pendant quatre jours, il se repose, se nettoie et va travailler sur la deuxième position au-dessus de Somme-Dieue.


Le secteur des Eparges.

A partir du 30 juillet, le régiment monte en ligne aux Éparges. Les 1er et 3ème bataillons occupent la crête même; le 2ème bataillon est à Montgirmont; le P. C. du colonel au Trottoir des Éparges.

Le secteur du 2ème bataillon est fort calme, mais il n'en est pas de même aux Éparges. La crête de ce nom constitue un point sensible de notre ligne. Par là, les Allemands prennent pied sur les Hauts de Meuse et leur ligne s'enfonce après Saint-Rémy dans le bois des Chevaliers pour aller englober Saint-Mihiel. Au printemps 1915, une série d'attaques françaises, parties de la Ferme de Montville, nous ont permis d'atteindre la crête, mais l'ennemi, qui a défendu âprement le terrain, ne nous permit jamais d'aller plus loin. Une lutte de mines s'est engagée, dans laquelle, depuis le déclenchement de l'offensive de Verdun, les Allemands ont la supériorité.

La situation est devenue plus critique encore après le recul stratégique de la Woëvre. Fresnes, qui était un cantonnement de repo's pour nos troupes, est maintenant dans les lignes ennemies et, de là, ses batteries tirent dans le dos des défenseurs des Éparges. Une formidable artillerie de tranchée, à laquelle répondent seulement quelques mortiers d'accompagnement de 75 et quelques 155, qui peuvent difficilement atteindre les minenwerfer ennemis en raison de la configuration du terrain, déclenche à chaque instant des tirs effrayants sur toute la pente à laquelle nous nous cramponnons.

Aussi l'organisation du terrain est à peu près inexistante; les boyaux sont remplacés par des pistes dont le tracé change chaque jour; les petits postes se blottissent dans les trous de torpilles ou s'agrippent aux lèvres des entonnoirs de mines. Les hommes peuvent cependant se réfugier dans des abris-cavernes solidement construits, mais l'air s'y renouvelle difficilement et la chaleur y est presque insupportable.

De temps à autre, l'ennemi fait sauter des mines puissantes qui disloquent et aplatissent les abris, ensevelissent les petits postes; un tir insensé de torpilles se déclenche au même instant et toute la crête disparaît dans un nuage de poussière et de fumée. La lutte s'engage aussitôt pour la possession de l'entonnoir.

Pendant la journée du 7 août, les engins de tranchée ennemis sont particulièrement actifs. Vers 17 heures, un terrible barrage de torpilles se déclenche. Un groupe ennemi (1 officier et 10 hommes) tente d'enlever un petit poste. Tous ses hommes sont mis hors de combat.

Pendant le séjour aux Éparges, la 10ème compagnie est la plus éprouvée; ses pertes s'élèvent à 8 tués, 28 blessés, 9 disparus.

Le court repos à Haudainville.

Le 10 août, tout le régiment se rassemble à Haudainville après avoir été relevé. Des bruits d'attaque courent sous le manteau; du reste, les préparatifs effectués ne laissent guère de doute : distribution de quatre jours de vivres de réserve, de cartouches, de grenades, de sacs à terre, d'artifices de toutes sortes.


Le secteur de Retegnebois.

Le régiment doit relever le 75ème R. I. à Retegnebois, en avant de la batterie de l'Hôpital où se trouve le P. C. du colonel. Le 2ème bataillon monte en ligne dans la nuit du 11 au 12; les deux autres bataillons montent la nuit suivante : le 1er en ligne à droite du 2ème, sur la route du fort de Tavannes à Vaux ; le 3ème en réserve entre le fort de Souville et la batterie de l'hôpital.


La préparation de l'attaque.

Une opération offensive est projetée et le commandement donne des ordres pour la construction des parallèles de départ, tandis que les avions essaient, de temps à autre, de survoler les lignes et que l'artillerie française devient plus active, mais son tir est très mal réglé et les obus courts trop nombreux bouleversent nos organisations de première ligne, mettant les défenseurs hors de combat, en particulier vers la gauche du secteur du régiment. Tous les efforts tentés pour obtenir l'allongement du tir seront vains.

L'attaque est décidée pour le 18 août, à 15 heures. Dans la nuit du 17 au 18, le 3e bataillon monte en ligne et s'établit entre les 1er et 2ème bataillons qui serrent sur les ailes. Le 18, au matin, la préparation d'artillerie redouble et nous inflige de lourdes pertes, aidée en cela par l'artillerie allemande dont les batteries de la Woëvre nous prennent d'enfilade.

Vers 10 heures, la tranchée de première ligne, devenue intenable, est évacuée par la 5ème compagnie qui vient s'établir 200 mètres plus en arrière, le long d'une voie de 60 qui desservait les forts et les batteries, et malgré ce repli, un quart d'heure avant l'attaque, un obus de 155 tombe au milieu d'un groupe et met 14 hommes hors de combat.

Les deux autres bataillons ont également à souffrir des coups trop courts de notre artillerie.


L'exécution de l'attaque.

En dépit des conditions matérielles et morales défectueuses, à 15 heures, d'un seul élan, tout le régiment s'élance à l'assaut des lignes ennemies. La 7ème compagnie, partie magnifiquement, progresse d'abord sans pertes puis, brusquement, plusieurs mitrailleuses ouvrent le feu, obligeant les assaillants à se terrer. Des contre-attaques à la grenade ont raison successivement de tous les petits groupes terrés dans les trous d'obus.

Tous les chefs de section sont tués les uns après les autres. A la nuit, seuls 1 fourrier et 6 hommes regagnent nos lignes.

La 5ème compagnie en une vague unique, étant donné son effectif réduit, pousse jusqu'à la première ligne ennemie dans laquelle elle fait des prisonniers; mais sa gauche s'est heurtée à un blockhaus garni de trois mitrailleuses qui non seulement arrêtent toute progression mais fauchent les assaillants qui ont atteint la tranchée allemande prise d'enfilade.

Le peloton du 415ème, placé entre la 5ème et la 7ème compagnie, arrêté devant le même blockhaus, au milieu des abatis, fond en quelques minutes accroché aux défenses accessoires que notre artillerie a laissées intactes.

Le 3ème bataillon à peine sorti de la parallèle de départ est arrêté par des feux violents de mitrailleuses et un barrage de grenades; il reste accroché au terrain et sa progression est enrayée. Le 1er bataillon, plus heureux, pénètre profondément dans les lignes ennemies, atteint rapidement ses objectifs, et, emporté par son élan, les dépasse même. La compagnie de droite parvient rapidement aux objectifs qui lui ont été fixés, faisant bon nombre de prisonniers. L'ennemi a subi de lourdes pertes et fuit démoralisé. La compagnie du centre a progressé rapidement dans la tranchée de Fulda jusqu'à hauteur du Petit-Dépôt. La 3ème compagnie à gauche s'est heurtée aux Allemands qui s'étaient portés jusque dans notre ligne avancée pendant la préparation d'artillerie, mais elle les bouscule, enlève successivement deux lignes de tranchées ennemies et pousse même jusqu'à l'ouvrage Blanc. Mais cette belle progression ne va pas sans de lourdes pertes.

Les éléments encadrant le 1er bataillon n'ayant pas progressé, celui-ci est dans une situation critique; les éléments trop en flèche sont reportés sur l'ancienne ligne de soutien allemande que l'on organise Immédiatement en établissant la liaison, à droite avec le 415ème, à gauche avec le 3ème bataillon.

Ce dernier regagne à la nuit ses positions de départ. Dans le secteur du 2ème bataillon, la ligne est reformée avec les quelques survivants de la 5ème (une trentaine), les quelques mitrailleurs de la C. M. 2 qui restent encore, les rescapés de la 7ème comgnie, les pionniers mis à la disposition du bataillon, une section du 415ème et la 6ème compagnie.

La nuit est assez calme, bien que les rafales des mitrailleuses ennemies soient fréquentes. Quelques Allemands viennent se perdre dans nos lignes. La journée du 15 s'écoile sans incidents notables, l'activité de l'artillerie ennemie a bien diminuée.

A partir du 19 août, le régiment est relevé et descend à Belrupt et de là à Rambluzin. Le 22 août, le régiment a repassé la Meuse.

Du 10 mars au 22 août le régiment a eu dans ce secteur mouvementé : 14 officiers tués et 34 blessés, 534 hommes tués, 1.422 blessés et 186 disparus, soit 2.142 pertes au total, dont plus de 830 pour la dernière période, à Retegnebois. Le 18 août en particulier, il y a eu : 7 offîciors tués et 12 blessés; 520 hommes tués, blessés ou disparus. Le régiment n'a pas perdu un pouce du terrain confié à sa garde ; il en a gagné dans le bois de la Caillette et fait une centaine de prisonniers à Retegnebois.





Jean DENIZOU est porté disparu à Verdun et son décès est fixé au 18 août 1916 par jugement déclaratif de décès rendu par le Tribunal administratif civil de Lyon le 27 octobre 1921 .